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La data science fait fuir les femmes pour de mauvaises raisons

Un rapport pointe du doigt le manque de femmes chez les data scientists, en charge de la conception des algorithmes. Moins de deux data scientists sur dix sont des femmes. 

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A peine 15% des concepteurs d'algorithmes sont des femmes (Unsplash/Alex Kotliarskyi/Kiev, Ukraine)
Publié le 2 mars 2020 à 07:00Mis à jour le 2 mars 2020 à 09:26

Les algorithmes sont conçus par des hommes en large majorité. C'est ce que constate une étude récente* menée par le cabinet  BCG Gamma, spécialisé dans la création de solutions algorithmiques.

Les résultats issus de 9.000 témoignages collectés dans dix pays, dont la Chine, l'Allemagne ou encore la France, sont formels : seulement 15% des data scientists, les créateurs d'algorithmes, sont des femmes... alors qu'elles représentent pourtant près de 35% des étudiant.e.s en science, technologie, ingénierie et mathématiques.

Mais pourquoi sont-elles deux fois moins nombreuses dans le secteur data scientifique ?

Une profession perçue comme abstraite

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"Parce qu'elles ont notamment besoin de connaître l'impact réel de leur action, souvent jugée, à tort, trop théorique dans cette profession", explique Camille Brégé, directrice associée chez BCG Gamma. Un argument validé par le rapport : en France, 46% des femmes interrogées (40% pour les hommes) perçoivent l'analyse des données comme une activité manquant d'objectifs concrets.

"En réalité, ils sont légion dans la profession", analyse la co-dirigeante. "Il y a surtout un manque de communication de la part des entreprises, qui n’insistent pas assez sur l'impact positif des actions des data scientists." Concevoir un algorithme, ce n'est pas seulement traiter des données, coder en langage Python et poser des équations mathématiques : c'est par exemple, in fine, permettre à une entreprise en difficultés d'améliorer ses ventes et éviter le dépôt de bilan.

"Avec un algorithme qui se nourrit de différents jeux de données, on peut identifier quels produits se vendent le mieux et ceux qui auront le plus de succès dans un magasin spécifique pour tirer une activité commerciale vers le haut", confirme Marion Karakouzian, 27 ans, data scientist à BCG Gamma. "Les data scientists peuvent suivre l'évolution du chiffre d'affaires semaine après semaine et mesurer l'impact de leur travail au quotidien. Pour moi, ce métier est très concret."

Data scientist : un métier trop compétitif ?

Autre frein à l'insertion des femmes dans ce secteur : le job de data scientist serait très concurrentiel pour 76% des sondées. Un avis probablement influencé par la tradition des hackathons, populaires dans cette branche scientifique, qui encouragent la culture de la performance. Le principe : les développeurs rassemblés pour l'occasion doivent créer, dans un temps limité, un programme informatique sur un thème imposé. Les meilleurs reçoivent des prix et l'estime de leurs pairs... parfois au détriment des perdants.

Certaines offres d'emploi reflètent par ailleurs un élitisme malvenu. "Les candidats doivent maîtriser à la perfection plusieurs langages informatiques, posséder des compétences business et un savoir-être irréprochable.", énumère Camille Brégé. "Des fiches de poste qui peuvent dissuader de candidater, quand une femme manque d'assurance ou qu'elle ne maîtrise pas l'une des compétences exigées."

Bonne nouvelle de l'étude, en France, 65% des étudiantes estiment être bien briefées sur les opportunités professionnelles existantes en data science. Un résultat honorable par rapport à d'autres pays sondés, comme le Japon ou l'Allemagne. Outre-Rhin, à peine 39% des Allemandes pensent recevoir les informations nécessaires à leur évolution dans le secteur. 

Déminer les biais

La présence féminine à des postes importants dans ces métiers est pourtant cruciale pour la conception algorithmique. En particulier pour éviter les biais, ces schémas injustes répétés par certains programmes informatiques pas très bien "éduqués".

"Pour créer un algorithme spécialisé dans le recrutement, on le nourrit avec des données historiques", illustre la directrice associée de BCG gamma. "Si les profils recrutés étaient majoritairement masculins, l'algorithme risque de valoriser les CV d'hommes. Pour ne pas reproduire ce genre d'inégalités, pas toujours repérées par ceux qui en bénéficient, il est donc préférable que plus de femmes participent à la conception d'intelligences artificielles."

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Intégrer des experts en algorithme issus d'horizons sociaux variés est aussi profitable. En matière d'intelligence artificielle, plus la richesse des points de vue est grande, plus les risques de biais sont susceptibles de diminuer.

Adrian de San Isidoro

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