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Témoignage

« Consultante en stratégie, j'ai choisi de m'épanouir en devenant ébéniste »

TEMOIGNAGE// Claire Georges, 34 ans, a travaillé durant six ans dans le conseil en stratégie et en organisation. Bien qu'intéressée, elle finit par se lasser et décide de se consacrer à sa passion en montant son entreprise d'ébénisterie.

Claire Georges, 34 ans, a passé un CAP en ébénisterie à l'Ecole d'ameublement de Paris.
Claire Georges, 34 ans, a passé un CAP en ébénisterie à l'Ecole d'ameublement de Paris. (Lauriane Avarguez)
Publié le 8 avr. 2021 à 07:01Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

« J'ai toujours aimé dessiner et bricoler. L'ébénisterie est un héritage familial : mon arrière-grand-père était ébéniste et mon grand-père était, lui aussi, passionné par le travail du bois. Petite, j'aimais regarder ce dernier bricoler dans son établi et le solliciter pour m'aider à construire des cabanes dans les arbres.

Devenue étudiante, je voulais travailler en stratégie dans le secteur humanitaire ou du développement durable. J'ai intégré l'Ecole Supérieure de Commerce de Marseille (devenue Kedge Business School), qui proposait des spécialisations dans ces domaines. Après l'obtention de mon master en 2009, en pleine crise financière, je n'ai pas réussi à trouver un job dans mon secteur de prédilection. J'ai mis ce projet de côté et j'ai rejoint le cabinet de conseil et d'audit financier Ernst & Young, au Luxembourg, pour un poste de consultante en amélioration de la performance. Un premier emploi formateur au rythme… très soutenu.

Je me suis rendu compte qu'il était important pour moi de trouver un équilibre entre ma vie professionnelle et personnelle et j'ai fait le choix de rentrer en France après une expérience d'un an et demi. J'ai alors intégré SNCF Consulting, une filiale du groupe SNCF qui l'accompagne dans ses projets de transformation. Cette entreprise m'a permis de travailler sur des missions variées, intéressantes et stimulantes. Mais il me manquait quelque chose : la passion. J'avais besoin de plus de sens ou de concret, de faire un métier qui me permettrait de m'ancrer davantage dans mes valeurs écologiques.

Une reconversion à 8.500 euros

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En 2016, j'ai commencé à prendre des cours d'ébénisterie sur mon temps libre. Imaginer, dessiner puis créer un meuble me rendait fière. Cela répondait à ma quête de sens et de concret. J'en suis venue à me demander : « Pourquoi ne pas faire de ce hobby mon métier ? »

J'ai quitté mon entreprise dans l'optique de me reconvertir, sans vraiment savoir comment… En 2017, j'ai finalement opté pour le programme de reconversion en ébénisterie de l'Ecole d'ameublement de Paris La Bonne Graine. Cette formation d'un an permet de se préparer au CAP ébénisterie et d'acquérir les bases du métier. Nous mêlions technique en atelier, dessin, histoire de l'art, visites de musées, stages… Une expérience passionnante ! La formation coûte environ 8.500 euros. J'en ai financé une bonne partie grâce à mes économies et à mes allocations-chômage d'aide au retour à l'emploi. Le reste a été pris en charge grâce à mon compte personnel de formation (CPF).

Diplôme en poche, j'ai commencé ma nouvelle vie professionnelle avec des projets de conception sur-mesure de mobilier ou d'agencement (dressings, bibliothèques, bureaux, cuisines…). J'ai au départ créé des meubles pour moi, ma famille, mes amis. Leur design a plu. J'ai constaté que l'offre intermédiaire entre les meubles standardisés haut de gamme, rarement produits en France, et le sur-mesure, souvent perçu comme inaccessible, était quasi inexistante. C'est ainsi qu'est née l'idée de proposer une offre de meubles avec un design prédéfini que les clients peuvent personnaliser. Pour développer mon projet d'entreprise, j'ai rejoint pendant un an la BGE Parif, qui accompagne et oriente les jeunes entrepreneurs.

Du sur-mesure éco-conçu

Ma société dénommée Massoïa est née en septembre 2020. J'ai choisi de développer une production durable et responsable. J'utilise du bois issu de forêts européennes éco-gérées et je sélectionne des produits de finition (huile, peinture) respectueux de l'environnement et de la santé. Je produis les meubles sur commande pour éviter tout gaspillage lié à la surproduction.

J'ai imaginé une douzaine de meubles personnalisables (table à dîner, table basse, meuble vinyle, banquette, coffre à jouets, lit bébé évolutif…). Une offre qui devrait s'élargir au fil des mois. La demande de personnalisation est croissante : la consommation de masse et la standardisation ne font plus envie. Avoir un intérieur fidèle à sa personnalité et à ses valeurs séduit.

Claire Georges conçoit du mobilier et de l'agencement sur-mesure, ainsi que des meubles personnalisables.

Claire Georges conçoit du mobilier et de l'agencement sur-mesure, ainsi que des meubles personnalisables.Lauriane Avarguez

En parallèle, je continue à répondre aux demandes de sur-mesure, que ce soit pour du mobilier ou de l'agencement. Je réalise ces projets avec Lisa Leyrit, une ébéniste que j'ai rencontrée sur les bancs de l'école et avec qui je partage un atelier à Courbevoie (Hauts-de-Seine) depuis septembre. La demande est importante à Paris mais cette activité peut s'avérer chronophage. Les clients n'ont pas toujours conscience du prix de revient de la matière première, ni du temps de travail nécessaire à la réalisation de leurs projets. Nous passons parfois beaucoup de temps à réaliser des plans et à chiffrer des projets qui n'aboutissent finalement pas. Mais cela fait partie du métier et cette difficulté se rencontre dans tout modèle artisanal.

Renouer avec mes aspirations d'étudiante

Ce que j'ai appris en école de commerce et en tant que consultante me sert au quotidien : l'élaboration de business plan, la gestion de projets, la logistique… J'ai toutefois dû développer de nouvelles compétences pour la gestion du community management, de la comptabilité, de l'administratif - particulièrement lourd… Je dois dire que c'est assez compliqué à gérer seule.

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J'ai fait mon choix de reconversion par passion, cela implique des concessions financières à court terme et un investissement conséquent en temps, argent et énergie. Je gagne pour l'heure moins bien ma vie qu'avant mais j'espère pouvoir atteindre d'ici trois ans le même niveau de revenus que je percevais en tant que consultante. L'ébénisterie est pour moi un métier porteur de sens qui me permet d'imaginer, de créer et de travailler en accord avec mes valeurs et de renouer, in fine, avec mes aspirations d'étudiante. J'ai trouvé ce que je cherchais et suis aujourd'hui pleinement épanouie. »

Propos recueillis par Chloé Marriault

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